26/03/2012

Jean-Michel Jarre : ma mère est une héroïne de la Résistance

« Jean-Michel Jarre », chez Orban, est un très bel album avec des photos signées Charlotte Rampling, Helmut Newton, Armand de Wildenberg et des textes de Jean-Louis Remilleux. Il permet de revivre la magie de tous les concerts de Jean-Michel. Sort également un 33 tours rassemblant les meilleurs morceaux de ses concerts de Houston et de Lyon mais recréés en studio à partir des versions originales.

C ‘est France Jarre qui, la première, a accueilli Jean Moulin lorsqu’il est venu à Lyon, puis elle a été déportée a Ravensbnick. A2 a invité son fils dans toutes ses émissions et journaux, et diffuse son concert lyonnais en stéréo avec NRJ.

Pardonnez-lui, cela fait trois jours qu’il ne dort pas… » En I’absence des propriétaires de céans – Jean-Michel sera de retour dans queIques minutes, Charlotte (Rampling) est au Texas où elle tourne un film policier et les enfants, Barnabé, Emilie et David, sont en classe – une pétillante dame très brune fait les honneurs de la maison de Jean-Michel Jarre, à Croissy, près de Paris. « C’est la dernière fois que I’on photographie le mobilier 1950 de Jean-Michel et de Charlotte. Le mois prochain, ils vont tout refaire. » France Jarre, la mère de Jean-Michel, ne parait pas fâchée de voir disparaître les tables de formica et les lampes à abat-jour de plastique. « Savez-vous que c’est probablement à ma mère que je dois d’avoir eu I’envie de mon grand concert à Lyon, lors de la visite du Pape à I’automne 1986 ? », précise Jean-Michel.

L ‘inventeur du pick-up Teppaz

II est né a Lyon, en août 48, à l’hôpital de la Croix Rousse: « C’est grâce à ma mère, d’une vieille famille lyonnaise, et à mes grands-parents Jarre, eux aussi lyonnais, que j’ai gardé de très profondes attaches avec cette ville. Je n’y ai pas grandi puisque ma mère m’a élevé seule, modestement, à Vanves, mais j’y ai passé mes vacances jusqu’à I’adolescence. » Jean-Michel se souvient qu’enfant, il était fasciné par les boutiques d’antiquités que tenait, à côté de celle de sa mère, aux Puces, le frère de Boris Vian. « Mes instruments – clavier à images ou harpe laser sont directement héritiers de son orgue à parfums ou de son violon trompette. » Héritiers aussi de cette console de mixage dont son grand-père, André Jarre, fut I’inventeur avant de mettre au point le premier pick-up portable Teppaz. « Son atelier était pour moi une caverne d’ Ali Baba où je passais des journées entières pendant mes vacances. Le concert de Houston, : avec un million trois cent mille spectateurs, était impressionnant par ses dimensions. Celui de Lyon, lui, m’a particulièrement ému. Vous vous rendez compte la scène se trouvait exactement à I’endroit où ma grand-mère allait faire son marché. Mes grands-parents habitaient cours de Verdun. De la fenêtre, on voyait les boulistes. Maintenant, tout est bétonné. »


 Ce béton, qui a gangréné la ville et dont I’invasion a coïncidé avec la disparition de ses grands-parents, a tenu Jean-Michel quelque temps éloigné de sa ville natale. Mais I’empreinte restait puissante. « Quand j’ai su que le pape allait venir à Lyon, j’ai aussitôt sauté sur I’occasion que m’offrait I’actualité pour faire connaître cette ville particulièrement complexe et attachante. Lyon est à la fois très religieuse et très franc-maçonne. C’est une ville très florentine et très européenne, de par sa position de carrefour entre l’Europe latine et l’Europe du Nord. C’est, enfin, une ville du passé tournée vers le futur. Et en pleine actualité avec la visite du Pape, puis aujourd’hui, avec le procès Barbie. » Un procès que la mère de Jean-Michel suit avec beaucoup d’attention. « Au début de la guerre, elle tenait un commerce de lingerie féminine, La Lingerie pratique, et c’est une héroïne de la Résistance. Lorsque Jean Moulin est venu à Lyon, c’est elle qui, la première, I’a accueilli. Trois fois arrêtée, elle a été trouvée la troisième fois – quinze jours avant la Libération de Paris – en possession de tous les plans de l’insurrection à Paris. Elle a été déportée à Ravensbrück dont elle n’est revenue qu’un an plus tard. »

 La médaille de De Gaulle

 Dès 1942, France Jarre recevait de Londres sa médaille de la Résistance que Charles De Gaulle lui avait fait envoyer et qu’elle reçut d’un parachutiste. Elle devait être la première femme résistante ainsi récompensée: « Ma mère redoute un peu le « cirque » que Verges crée autour de ce procès, mais contrairement à d’autres, elle estime que ce procès est indispensable. En ce qui me concerne, je pense qu’en dépit des révélations choquantes et scandaleuses que risque de faire Verges, et qui viseront à salir des résistants et même, je crois, des Juifs, notre époque, et les jeunes surtout, est assez adulte pour s’accommoder d’une vision de I’Histoire moins monolithique que celle qui nous a été enseignée à nous. » C’est parce qu’il pense, aussi, que le troisième millénaire sera celui de I’intégration du passé et du modernisme le plus avancé, que Jean-Michel Jarre a pour prochain projet la réalisation d’un concert-show à Londres, dont les anciens docks réaménagés accueillent, dans ce qui fut le coeur de I’ Angleterre du passé, les industries et les installations les plus révolutionnaires: « Le concert, expliquait-il, aura lieu en septembre. II ne me reste plus que trois mois pour écrire la musique et monter le spectacle. Je cours sans cesse après le temps, surtout en ce moment, mais la journée d’ Antenne 2 me satisfait pleinement. Rendre compte à la fois de I’actualité et des émotions qu’elle suscite en moi, c’est précisément la raison d’être de mes spectacles où je mêle différentes formes d’expression, images, musique et sons. » II y a, dans le programme d’été de Jean-Michel Jarre, beaucoup de nuits blanches en vue. Car celui que la presse a sacré « pape de la musique futuriste », et qui a conquis le monde avec trente millions de disques vendus, est avant tout un passionné…

 Martine BOURRILLON Photos Alain Canu

No comments:

Post a Comment